"Renoir"
07.08.2014 Exposition Fondation Pierre Gianadda, Martigny, jusqu'au 23 novembre 2014
Foto: http://www.gianadda.ch/wq_pages/fr/informations/presse.php
Après les différentes rétrospectives historiques sur les
maîtres de l'impressionnisme organisées depuis une vingtaine d'années à la
Fondation Pierre Gianadda: Degas (1993), Manet (1996), Gauguin (1998), Van
Gogh (2000), et celles consacrée à Berthe Morisot (2002) et Monet (2011), il
convient aujourd'hui rendre hommage au plus célèbre portraitiste du temps:
Pierre-Auguste Renoir (1841-1919).
L'exposition propose cet été une lecture nouvelle de l'œuvre de Renoir, avec plus de cent œuvres témoignant de toute sa carrière - soixante ans de création - comme de la diversité sensible de son inspiration. Ce lumineux panorama chronologique reflète au mieux dans ses grandes ponctuations sérielles, le tempérament volontiers intimiste du peintre, qui a aussi bien maîtrisé le paysage que l'éternel féminin, les scènes familiales que les natures-mortes.
Une majorité d'œuvres inédites provenant des collections particulières très
rarement prêtées ainsi que de nombreux prêts des plus grands musées
internationaux (Musée Pouchkine, Musée de São Paulo, Musée Thyssen-Bornemisza,
Palais Princier de Monaco), des musées français (Musée Rodin, Musée d'Orsay,
Orangerie, Petit Palais et Marmottan, Paris - Le Havre, Rouen, Fondation
Ephrussi de Rothschild / Académie des Beaux-Arts, Saint-Jean Cap Ferrat) comme
des institutions suisses (Genève, Bâle, Berne, Lausanne, Winterthur, Fondation
Bührle et Kunsthaus, Zurich ...), permettent de donner une vision renouvelée de
son oeuvre séminale au coeur de l'impressionnisme français. Deux sculptures
monumentales rarement exposées (Vénus Victrix du Petit Palais, Paris et La
grande Laveuse accroupie de la Fondation Pierre Gianadda) terminent le parcours
de l'exposition.
Accompagnant l'exposition, un catalogue de référence, faisant appel à une
dizaine de spécialistes, historiens d'art et témoins familiaux, traite de
sujets aussi variés - et nouveaux - que les amitiés du peintre avec les
écrivains (par Sylvie Patry, conservatrice en chef, Musée d'Orsay), son frère
Edmond Renoir (par Marc Le Coeur), le peintre Caillebotte (par Pierre Wittmer),
le marchand Paul Durand-Ruel (par Caroline Godfroy Durand-Ruel), le peintre
Albert André (par Flavie Mouraux Durand-Ruel), ou de l'admiration de Pablo
Picasso (par Augustin de Butler) ...
Sous un angle plus muséal, Daniel Marchesseau propose une analyse complétant
ses notices, tandis que Lukas Gloor précise la réception de l'œuvre du maître
dans les collections suisses au XXe siècle, et Cécile Bertran, conservatrice du
musée Renoir, révèle, grâce à de nombreuses photographies acquises à l'automne
2013 par la ville de Cagnes-sur-Mer, la vie familiale de l'artiste dans sa
propriété des Collettes.
Cette sélection ne manquera pas de séduire un large public qui retrouvera
certaines de ses références les plus célèbres, mais découvrira surtout nombre
de toiles peu - sinon totalement inconnues - provenant de collections privées
européennes. Le visiteur percevra sans doute l'émotion toute proustienne de
tant d'images aimées que la mémoire collective conserve du plus charnel des
impressionnistes, l'amoureux de l'éternel féminin - grâce et volupté.
Car le talentueux élève du peintre d'origine suisse Charles Gleyre, dans
l'atelier duquel il se lie à l'Ecole de Beaux-Arts de Paris avec ses camarades
Claude Monet et Frédéric Bazille, cerne bientôt son champ d'inspiration
féminine: Lisa (1872) puis la voluptueuse Suzanne Valadon qui posera rue
Cortot avant de suivre les conseils de Degas et devenir le peintre reconnu que
la Fondation Pierre Gianadda avait exposé en 1996.
C'est d'ailleurs rue Cortot que Renoir peint Le Jardin du moulin de la galette
où ce chantre de la beauté féminine - comme Monet l'est des variations les plus
éphémères de la lumière - s'impose doublement comme portraitiste et paysagiste
avant de répondre à maintes commandes pour la bourgeoisie fortunée parisienne
(La Comtesse Edmond de Pourtalès, Alice et Elisabeth Cahen d'Anvers).
Sa rencontre avec Aline Charigot, la mère de ses trois fils, Pierre, Jean et
Claude (dit «Coco»), qu'il épouse en 1890, est déterminante pour son
inspiration. Au fil des années, elle se recentre autour d'une voluptueuse
évocation de la Maternité. Mais c'est naturellement dans les nombreuses
variations autour des Nus qu'il s'impose au public le plus averti. Renoir, dont
on apprécie également les natures mortes, les bouquets et les paysages,
maîtrise avec un art consommé tout l'éventail de sa palette au profit de sa
technique picturale qui sert dans sa lumière propre un moment de bonheur à
l'acmé de son génie.
Renoir travaille, avec des «pinceaux de martre et des brosses plates en soie», et emploie surtout, dit-il, «Blanc d'argent, Jaune de chrôme (sic), Jaune
de Naples, Ocre jaune, terre de Sienne naturelle, vermillon, laque de Garance,
vert Véronèse, vert Emeraude, Bleu de Cobalt, Bleu Outremer - l'ocre jaune, le
jaune de Naples et la terre de Sienne n'étant que des tons intermédiaires, dont
on peut se passer puisque vous pouvez les faire avec les autres couleurs»,
sans oublier «le noir, la reine des couleurs».
Paul Durand-Ruel est le premier à le défendre et l'exposer, à Paris, Londres et
aux Etats-Unis. Plus de mille œuvres passent par ses galeries. Plus jeune,
Ambroise Vollard édite ses gravures et ses bronzes, avant d'acquérir, à sa
mort, tout le fond de l'atelier. Renoir en brosse trois célèbres portraits dont
celui donné par Vollard au Petit Palais de Paris. Avec la consécration, vient
la réussite financière au tournant du siècle. Renoir, également soutenu
désormais par les frères Bernheim-Jeune, découvre Cagnes-sur-Mer en 1903 et
s'installe peu après dans le vaste Domaine des Collettes où il peindra jusqu'à
son dernier jour avec la passion irréductible du «beau métier».
Au sommet de la renommée, et malgré certaines critiques acides, des
collectionneurs aussi avertis que Paul Gallimard, Gaston Lévy, Henri Bernstein
ou les américains Leo et Gertrude Stein ne s'y trompent pas et s'entoureront de
ses œuvres - avant que le fameux Dr Alfred Barnes ne réunisse dans sa propriété
de Merion au sud de Philadelphie, sur les conseils en particulier de jeunes
marchands, Paul Guillaume et René Gimpel avant Paul Rosenberg, plus de cent
quatre-vingts tableaux (la Barnes Foundation est installée depuis 2012 à
Philadelphie). Dans sa maturité, de jeunes artistes comme Aristide Maillol et
Maurice Denis rendent visite au maître dont ils font le portrait. Quelques mois
avant sa disparition, ce sont Amedeo Modigliani et Henri Matisse, également
encouragés par Paul Guillaume, qui vont aux Collettes ... Si Pablo Picasso n'eut
pas l'occasion de faire sa connaissance, il n'en acquit pas moins pour sa
collection personnelle sept de ses œuvres (aujourd'hui, musée Picasso, Paris).
C'est dire quelle valeur novatrice il attachait à son art dans sa pleine
maturité.
Cette exposition riche d'une centaine d'œuvres permettra de redécouvrir dans le
cadre majestueux de la Fondation Pierre Gianadda un Renoir résolument de son
époque.
Daniel Marchesseau, Commissaire de l'exposition, Conservateur général honoraire du Patrimoine
fpg
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